Monday, 27 January 2014

« Detective Dee »

Deux heures de pur spectacle, alliant film de sabre et parabole politique, intrigue policière et féerie fantastique, action virtuose et intelligence des personnages, est-ce que cela vous dit ? Le contraire serait dommage, ce n’est pas tous les jours qu’un film rassemble a priori tout le monde – vieux et jeunes, femmes et hommes, grand public et cinéphiles – autour de ce feu sacré que devrait être plus souvent lecinéma.

L’auteur de cette merveille se nomme Tsui Hark, figure centrale du cinéma de genre de Hongkong depuis une trentaine d’années. C’est un génie, mais cela se sait trop peu, en tout cas moins que pour son compatriote John Woo.
Detective Dee : le mystère de la flamme fantôme fait sans conteste partie de seschefs-d’œuvre. Son héros, le juge Dee, est un personnage historique, magistrat sous la dynastie Tang, qui a vécu au VIIe siècle de notre ère, avant de passer au rang de légende en Chine. Il n’est pas pour autant méconnu en Occident, où les lecteurs du Néerlandais Robert Van Gulik le connaissent bien, ce diplomate sinophile ayant consacré aux enquêtes du juge Ti une série de vingt-cinq romans publiés entre 1949 et 1968. Le voici aujourd’hui adoubé par le cinéma, en vertu d’un récit vertigineux, d’une mise en scène étincelante et d’une hybridation des genres qui sont la marque de Tsui Hark.
CHÂTIMENT DIVIN
Nous sommes en 690, dans la capitale cosmopolite de l’empire Tang. L’impitoyable Wu Zietian, régente depuis sept ans, s’apprête à se faire couronnerpremière impératrice de Chine. Elle a fait construire à cet effet une statue géante de Bouddha à son effigie, qui surplombe le palais impérial. Une série de morts mystérieuses, frappant de façon aussi fulgurante qu’atroce des notables du régime, jette une ombre sur la cérémonie du couronnement : ces hommes, exposés à la lumière du soleil, sont soudainement consumés par un feu intérieur, qui les réduit aussitôt en cendres.
Wu Zietian n’a d’autre choix que de faire sortir de prison le célèbre et avisé juge Dee (il y croupissait depuis huit ans pour s’être opposé à sa régence), seul à même d’éclaircir le mystère de ce que d’aucuns tiennent pour un châtiment divin, mais qui relève plus probablement d’une campagne d’assassinats politiques fomentés par les opposants de l’impératrice.
La tension plastique qui fait ici rage entre volatilité et stabilité recouvre la lutte qui oppose l’exercice du pouvoir au principe de l’équité. En situant son film durant l’ère de prospérité et d’expansion de la dynastie Tang, en y croisant le modernisme (la technologie numérique) et l’archaïsme (l’imagerie médiévale), il ne fait guère de doute que Tsui Hark a signé une puissante fable politique sur la Chine contemporaine. Tel le juge Dee dressé devant l’impératrice Wu, voici un film qui n’admet pas que « tout homme puisse être sacrifié à la conquête de la grandeur ».

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